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L’entreprise à délinquants
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Il ne sait plus depuis combien de temps il est là, ni pourquoi. Il se déplace maladroitement. Il ne sait pas où se mettre. On dirait un mec ivre sur une piste de danse. Il n'arrive pas à voir où il marche. Les illuminations l'éblouissent. Il trébuche sur quelque chose, quelque chose de plutôt mou. Il se rattrape avec ses mains, le revolver toujours dans l'une, comme greffé à sa peau. Il sent un substance chaude, visqueuse, glisser entre ses doigts. La panique l'envahit un peu plus. Qu'est-ce que c'est ? Il a du mal à distinguer la chose. Il doit cligner des yeux plusieurs fois pour enfin apercevoir un visage inerte, paisible, étendu au sol.
La stupeur tire les traits du garçon. Il reconnaît là sa petite amie. Il la secoue. Pourquoi ne réagit-elle pas ? Des gouttes salées s'échappent de ses yeux. Qu'a-t-il fait ? Il ne se souvient pas d'avoir tiré. Il n'aurait jamais tiré sur Fanny. C'est impossible.
Le trou dans la poitrine de la jeune femme, le pistolet dans la main du jeune homme. Voilà la preuve que cela ne peut être que lui. Il glisse ses doigts dans ses cheveux et les peint en rouge au passage. Il en arrache une poignée, de rage, de chagrin, de désespoir. Il hurle comme un loup sous la pleine lune.
Il fouille dans sa mémoire. Quel est la dernière chose dont il se rappelle ? Il se voit courir après quelqu'un dans une ruelle sombre. Un homme ? Une femme ? C'est bien trop flou. Il cherche les derniers souvenirs qu'il a avec elle. C'était il y a trois jours, sur le toit de ce même immeuble. Ils viennent souvent ici tous les deux. C'est leur monde. Ici, ils échappent à leur vie bien trop sombre. Ils s'évadent comme un oiseau s'évade d'une cage mal fermée. Elle pleurait ce jour-là. Non, elle souriait. Ses souvenirs semblent ne pas vouloir l'aider à comprendre. Si c'est bien ça ! Elle pleurait et souriait à la fois. Elle semblait résignée.
« Je veux m'évader Matty » avait-elle chuchoté. « Je veux m'évader loin de toute cette merde. Je veux m'évader de cette prison. »
« Pas sans moi... » avait-il répondu.
Puis tout devient flou et confus. Un souvenir éphémère. Il a soudainement froid. Il se sent soudainement vide. Impossible de vivre sans Fanny. Elle s'est évadée sans lui. Le flingue toujours dans sa main droite, il plaque le canon de l'arme sous son menton. Il veut s'évader lui aussi. Sa main tremble. Incontrôlable. Il n'y arrive pas. Il n'a pas le courage. Non, en fait ce n'est pas ça. Il se dit qu'on ne s'évade pas en pressant une détente. Il se dit qu'on s'évade en courant. On s'évade en s'envolant comme un oiseau. Matty se relève et lâche enfin le revolver qui tombe dans un bruit de métal assourdissant. Il tourne la tête vers les lumières dansantes et il s'élance. Il court puis saute.
« Attends moi Fanny. J'arrive » murmure-t-il.